Patrick Blanc parcourt les forêts de la planète. Personne ne connaît mieux que lui les secrets des plantes qui vivent de presque rien, dans les milieux les plus improbables, qu’elles tapissent les sous-bois dans la pénombre ou qu’elles s’accrochent aux rochers des falaises. Chercheur au CNRS, Patrick Blanc est également un artiste, invente le Mur végétal et donne à la ville d’incroyables respirations. Créateur de bien-être, il change notre regard sur la ville, orchestre et insuffle l’art au cœur de la cité. Il imagine des espaces architecturaux nouveaux, et métamorphose les murs en béton, devenus ainsi des refuges de biodiversité.
Le Mur Végétal : Une approche scientifique et artistique par Patrick BLANC
Qu’en est-il du mythe de la terre nourricière ? En fait, les plantes ne « mangent » pas la terre.
Elle leur fournit un milieu dans lequel les racines pénètrent, assurant une stabilité mécanique à l’ensemble du feuillage et des tiges, ainsi qu’une réserve plus ou moins disponible en eau et sels minéraux. Tous les éléments minéraux sont alors véhiculés par l’eau et absorbés sous forme soluble avec elle par les racines. Les autres éléments essentiels à la construction des plantes (sucres, protéines…) sont élaborés par les feuilles, à partir de l’eau et du gaz carbonique de l’air sous l’action de la lumière, grâce à la photosynthèse.
Les plantes à l’assaut des surfaces verticales
Si l’eau reste disponible tout au long de l’année, comme dans nos montagnes tempérées ou dans les forêts tropicales, la végétation colonise la plupart des supports disponibles, en particulier les rochers et les bases de troncs d’arbres. Une pellicule d’humus de quelques millimètres d’épaisseur, souvent stabilisée par des mousses, recouvre alors les faces inclinées de
ces rochers. Ce substrat, superficiel mais très riche, est parcouru par les racines des plantes qui représentent une part très importante de la biodiversité végétale. Ainsi, en Malaisie, sur les 8 000 espèces de plantes recensées, environ 2 500 poussent sans terre sur les rochers, les pentes ou les troncs.
Même dans les régions tempérées, quantité de plantes s’installent sur les sites très exposés, comme les falaises, les abords de grottes et de cascades ou les éboulis rocheux. C’est sur ces
pentes fortes que vivent ainsi, dans la nature, la plupart des espèces de Berbéris, Spirées ou Cotonéasters, dont les rameaux naturellement arqués révèlent un biotope originel incliné et non pas horizontal, contrairement au sol des jardins où on les cultive habituellement.
Ainsi, les racines des plantes sont capables d’exploiter des substrats très peu épais, soit à la surface des rochers, soit dans les anfractuosités, pourvu que l’eau reste disponible. Et c’est précisément dans les anfractuosités laissées entre les pierres ou les blocs de béton que les plantes s’installent spontanément sur les constructions humaines.
Murs et végétaux, un mariage contre nature créé pour durer
Dans le cas d’une colonisation anarchique des plantes sur les bâtiments, les racines pénètrent les fissures qui s’agrandissent et la croissance des plantes est alors responsable du descellement progressif et inéluctable des blocs de la construction. C’est le syndrome des ruines d’Angkor. Ainsi, parait-il peu raisonnable de chercher à installer directement les plantes sur les façades des immeubles. En revanche, si on leur assure une disponibilité en eau régulière, les racines des plantes peuvent se développer sur une surface comparable à un rocher moussu, sans qu’elles s’insinuent à l’intérieur du support.
Le Mur Végétal a été conçu à partir de ces observations avec l’objectif de protéger les bâtiments, tout en assurant à l’installation végétale une pérennité d’au moins trente ans, avec un entretien très réduit. II consiste en une superposition de différents éléments garantissant la croissance et la fixation à long terme des racines des plantes sur une surface et non pas dans un volume, contrairement aux autres méthodes de culture. Le brevet, déposé par Patrick Blanc, est donc basé sur cette nouvelle technique de culture verticale, qui permet de s’affranchir des problèmes de poids du substrat et, par conséquent, d’assurer la végétalisation des surfaces des bâtiments, quelle que soit leur hauteur.
Bien évidemment, le Mur Végétal est totalement applicable dans les milieux fermés, tels que les Musées et autres édifices publics, les parkings, les centres commerciaux ou les gares, pourvu qu’un éclairage d’appoint soit installé.
Le choix des espèces tient évidemment compte, en premier lieu, des conditions climatiques du site d’installation.
La superposition de trois éléments (cadre métallique, feuille de PVC expansé, nappe d’irrigation) compose le Mur Végétal, qui est ainsi dissocié du bâti. Celui-ci est d’abord constitué du cadre métallique auto-portant ou chevillé sur un mur de façade existant. Ce cadre crée un coussin d’air de quelques centimètres entre la façade et le Mur Végétal, qui assure une isolation contre le froid en hiver et contre la chaleur en été. Ce vide protège également la façade des intempéries et de la pollution, tout en créant un espace infranchissable par les racines. Sur le cadre métallique, on rivète la plaque de PVC expansé de 10 millimètres d’épaisseur, qui garantit l’étanchéité ainsi que la rigidité et l’homogénéité de la surface à végétaliser. La nappe d’irrigation est un feutre en polyamide de 3 millimètres d’épaisseur, qui est agrafé sur le PVC. C’est sur ce feutre imputrescible, à fort pouvoir de capillarité et de rétention d’eau, que se développent les racines des plantes. Celles-ci sont installées sous forme de graines, de boutures ou de plantes adultes à toutes les hauteurs du Mur Végétal, avec une densité de l’ordre d’une trentaine de végétaux par mètre carré.
L’arrosage s’effectue à partir d’un tuyau régulièrement percé, situé au sommet du Mur Végétal.
II est programmé par des électrovannes, couplées à un distributeur de solution nutritive très peu concentrée. La simplicité de ce système va de pair avec sa fiabilité à long terme.
L’entretien est réduit, la plupart des mauvaises herbes étant incapables de s’installer sur ces surfaces verticales. Une taille annuelle des arbustes est prévue.
Contrairement aux autres systèmes de culture verticale, de type pots de fleurs et autres bacs suspendus, ou encore châssis grillagés garnis de substrats variés, le poids du Mur Végétal, avec sa structure et ses plantes, reste très réduit puisqu’il ne dépasse pas une trentaine de kilogrammes par mètre carré. Ainsi, le Mur Végétal, peut recouvrir toute les surfaces bâties, sans aucune limite de hauteur ou de superficie.
Les Murs Végétaux sur le béton des villes : refuges de la biodiversité et protection de l’environnement
Ce procédé Mur Végétal est donc basé sur la connaissance botanique des plantes et de leurs exigences. L’agencement harmonieux des séquences végétales permet de recréer des milieux vivants très comparables aux milieux naturels, alors que les matériaux utilisés sont des créations de l’homme.
En fait, le béton, le métal et les plastiques ont une pérennité comparable à celle des surfaces de rochers où s’installent naturellement ces plantes. Les murs vides représentent des espaces innombrables dans les villes et l’on montre ainsi que, grâce à cette démarche, le béton, loin de s’opposer à la vie, peut au contraire constituer le meilleur refuge pour la biodiversité. Il permet aux habitants d’appréhender directement ce monde végétal, comme un tableau vivant, à la sortie d’un métro par exemple, sans devoir passer du temps pour essayer de retrouver la nature dans un jardin public.
Par ailleurs, le Mur Végétal crée donc une surface d’isolation entre le bâti et l’extérieur, grâce à son coussin d’air : il réduit les besoins en climatisation pendant l’été et en chauffage pendant l’hiver.
Comme l’ont montré de nombreux travaux de recherche, les plantes dans les villes présentent une activité dépolluante vis-à-vis des gaz et autres éléments toxiques. Cette activité dépolluante est d’une part issue directement de la photosynthèse et d’autre part de l’absorption par les racines, lorsque celles-ci sont en contact direct avec des surfaces exposées à l’oxygène de l’air. Or le Mur Végétal, de par sa conception même, offre la plus grande surface de contact possible entre les racines et l’air ; par ailleurs, la microflore et les autres micro-organismes s’installant spontanément sur les fibres de la nappe d’irrigation constituent la plus vaste surface possible d’activité dépolluante, par rapport à son épaisseur et à son poids.
La nappe d’irrigation du Mur Végétal agit comme une immense surface filtrante ; les particules sont retenues mécaniquement puis décomposées et minéralisées par les microorganismes, pour être finalement absorbées par les racines des plantes. La diversité des espèces de plantes sur le Mur Végétal est elle-même garante d’une activité optimale d’absorption de molécules de nature très diverse. Le Mur Végétal représente donc une parfaite solution pour le lagunage vertical, ce qui se révèle particulièrement précieux dans les sites, comme les espaces urbains et péri-urbains, où les surfaces horizontales sont déjà occupées par l’activité humaine.
Ainsi disposées verticalement sur les Murs Végétaux, selon un agencement écologique et artistique, les plantes exposent tous leurs organes : racines, tiges, feuilles, fleurs ou fruits, et apparaissent donc comme des êtres vivants à part entière. L’expérience sur plus d’une vingtaine d’années montre que le Mur Végétal offre toute l’assurance d’une viabilité à long terme et que les végétaux présentés selon ce nouveau concept ne font l’objet d’aucune dégradation par la population, même dans les sites sensibles, ceci probablement du fait de l’évocation d’un écosystème naturel. Les plantes deviennent un élément de dialogue avec l’homme, en liaison avec leur disposition verticale et enfin, plus simplement, parce qu’elles n’empiètent plus sur l’espace horizontal, laissé libre à l’activité urbaine et à la circulation des passants.
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